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La tactique des “frappes collatérales”

Certes et a priori, ce que nous allons faire ci-après, eh bien nous ne devrions pas le faire si nous avions un peu du sens de la morale professionnelle de l’information qui habite les vrais journalistes professionnels de la contre-civilisation occidentale bien-connue dans les milieux bien-onformés. Tremper sa plume dans l’encre de Spoutnik-français, c’est comme pénétrer dans le vaste domaine de la post-Vérité et des FakeNews les plus immondes. Par conséquent, notre culpabilité est prouvée sinon acquise d’avance, ce qui nous permet, c’est logique, de poursuivre en toute liberté.

Spoutnik-français a donc rencontré un ex-planificateur de l’OTAN, un Allemand, Ulrich Scholz, manifestement détaché de la Luftwaffe au service de planification de l’OTAN. Avant de travailler dans la planification OTAN qui, tout aussi manifestement, portait sur des frappes de la très-glorieuse “coalition mondiale”(du bloc-BAO) anti-Daesh, – ce qui nous rassure quant à la participation de l’OTAN dans cette “guerre” si justement et rondement menée, – Scholz était pilote à bord d’un Tornado de la Luftwaffe, avion de pénétration et d’appui tactique aux performances assez médiocres, et de toutes les façons conçu pour les guerres conventionnelles du type de celle que l’OTAN a vainement attendu pendant plusieurs décennies face au Pacte de Varsovie. Par conséquent, rien de ce qui suit du témoignage de Scholz ne peut nous surprendre, sinon qu’il nous apprend que ce qui se chuchote depuis des années, à savoir que les engagements pour “missions de reconnaissance” des Tornado allemands se doublent de missions d’attaque, notamment lors de l’attaque de cités tenues par Daesh, comme actuellement Mossoul en Irak après qu’il y ait eu Alep en Syrie investie par les Syriens soutenus par les Russes ; et donc que les Allemands, comme leurs alliés, ont également leur part de “dégâts collatéraux” sur la conscience… Et Scholz d’expliquer que les planificateurs (dont lui-même, sans doute) disent à la chaîne de commandement qu’on peut attaquer ici ou là à Mossoul, ou bien encore un peu plus loin, etc., partout où se trouve Daesh, et qu’il est à peu près assuré qu’en même temps on tuera des civils puisque c’est la “tactique” de Daesh de se mettre au milieu de civils (on nomme cela “prendre des civils en otages” ou bien “se servir de civils comme de boucliers”). Ce qui est assez intéressant dans le témoignage de Scholz, c’est cette affirmation que les planificateurs se disent capables d’avancer le nombre de civils tués qu’il y aura, donc d’évaluer d’assez près le coût humain des “dégâts collatéraux”, – comme si l’on était capable de prévoir ce qui est présenté par définition comme inattendu, imprévu,et donc non-planifiable. Pas vraiment de surprise là non plus, mais tout de même le constat précis d’un aspect rarement mis en évidence, d’autant qu’on nous a si souvent affirmé, et d’une façon si souvent émouante, qu’on avait finalement reculé devant telle ou telle attaque parce qu »on craignait de provoquer des pertes civiles

Ainsi comprend-on bien ce qui se passe, et sans surprise excessive lorsqu’on connaît les diverses manières de faire, y compris et surtout l’American Way of War qui est la principale source d’inspiration de l’OTAN, du bloc-BAO, de l’UE, des Allemands et ainsi de suite, – mais bon, on le savait déjà tant il s’agit ici de constat d’évidence. On dira simplement que, du point de vue de la communication, il n’est pas mauvais qu’un témoin direct de ces choses se confie, même si c’est à Spoutnik-français. (… C’est-à-dire, jusqu’à ce que l’on apprenne, avec une surprise scandalisée, que ce Sholz est un agent russe, voire qu’il n’existe pas du tout et ainsi de suite. Préparons-nous à être scandalisés.)

Voici donc le texte de Spoutnik-français du 2 avril 2017

« La participation de la Bundeswehr aux frappes aériennes de la coalition internationale contre les djihadistes de l’État islamique (Daech) ne se limite pas à des vols de reconnaissance de Tornado. [… Des] conseillers du gouvernement fédéral allemand inspect[ent] chaque cible, a déclaré à Sputnik l’ex-planificateur d’intervention de l’Otan Ulrich Scholz. [“Ils] disent : ‘cette cible peut coûter dix vies de civils au maximum’. Ensuite, des frappes sont portées”, a précisé l’interlocuteur de l’agence.

»  […] Cela signifie que le “dommage collatéral” était accepté par avance. “Cela veut dire que l’étonnement manifesté par les politiciens et les médias suite à l’information selon laquelle les avions de reconnaissance allemands Tornado avaient participé aux frappes de la coalition anti-Daech qui s’étaient soldées par des victimes parmi la population civile n’aura été qu’une simulation pure et simple”, a souligné l’ancien lieutenant-colonel de la Bundeswehr.

» M. Scholz explique [ainsi] l’indignation qui gagne les réseaux sociaux du fait que la Bundeswehr s’avère impliquée dans les bombardements de la population civile, alors qu’il s’agit tout simplement d’une guerre aérienne “classique” modèle USA ou Otan. “Quoi qu’il en soit, un adversaire tel que Daech dans une guerre asymétrique contre une armée régulière n’a d’autre chance que de se mêler à la population civile […] de sorte que, lors des frappes aériennes, les frappes touchent des civils. C’est sa stratégie”, commente l’ancien planificateur d’intervention de l’Otan. […] Dès le début, le “dommage collatéral” est accepté, y compris par la partie allemande. “Aussi cynique que cela soit, nous l’acceptons. […] Nous approuvons le meurtre de civils ! Une telle guerre est tout simplement amorale”, résume l’interlocuteur de Sputnik.

» M. Scholz, qui a lui-même été pilote de Tornado par le passé, relève par ailleurs que ces avions ne conviennent absolument pas pour des opérations contre Daech. “Les images qu’ils fournissent ne permettent pas de voir où se trouvent les combattants de Daech. Les Tornado font par conséquent partie d’une « chaîne meurtrière » dans cette guerre, et la Bundeswehr répond elle aussi des victimes parmi la population civile”, souligne-t-il.

» L’ex-officier de l’Otan conclut que les affirmations selon lesquelles l’armée syrienne ou les forces russes tuent volontairement la population civile à Alep “se trouvent en contradiction flagrante avec le bon sens », une guerre aérienne contre des forces asymétriques affectant toujours les civils, et la situation à Alep ne se distinguant pas de celle de Mossoul. “Une seule solution valable consisterait à stopper la guerre et à s’assoir à la table des négociations”, conclut Ulrich Scholz. »

Nul n’a jamais douté que cette sorte de guerre qui est actuellement menée dans l’espace crisique, dans le tourbillon critique Irak-Syrie, mais aussi au Yémen, en Afghanistan, etc., fasse nécessairement des morts civils. Les divers adversaires des diverses coalitions d’inspiration américaniste, et aussi des Russes et de leurs alliés, manœuvrent de façon à impliquer des civils parce qu’ils savent qu’au niveau de la communication les pertes civiles causées par l’intervention de leurs adversaires sont une arme contre leurs adversaires. Tout cela est d’autant plus évident lorsqu’il s’agit de combats dans des villes, et lorsqu’un emploi important de la force aérienne (et aussi de l’artillerie) est requis. C’est le caractère même de ces guerres asymétriques qui le sont moins par la forme des combats que par l’emploi massif de l’arme de la communication d’une part, et que par les structures, les matériels et les tactiques des forces des “coalitions” (surtout du bloc-BAO) parfaitement inadaptés d’autre part. Enfin, il y a l’état d’esprit remontant aux années 1990 et à la “doctrine du zéro-mort” pour éviter de s’aliéner l’opinion publique (élément de communication) par des pertes de soldats nationaux, inaugurée surtout pour la guerre du Kosovo, qui là aussi, et toujours surtout du côté du bloc-BAO, conduit à encore plus insister sur l’emploi massif du feu qui tue indistinctement les civils et les combattants adverses.

Rien dans tout cela ne peut nous étonner, et donc les révélations de Ulrich Schloz ne sont en rien un élément de surprise. Bien entendu, on appréciera la vigueur hystérique des réactions du système de la communication lorsque les Russes ont fourni la couverture aérienne pour la prise d’Alep (la “libération” devrait-on dire) comparée à la pudeur élégante qui entoure ce qui se passe à Mossoul, comme ce qui s’est passé à plusieurs reprises à Faloujah et en Irak, ce qui se passe au Yémen, ce qui se passe en Afghanistan depuis 15 ans et ainsi de suite. Nous sommes en pleine post-Vérité.

Pour y comprendre un peu plus, il est recommandé de rechercher qui est responsable de quoi à l’origine, les sources innombrables permettant de ne pas s’y tromper. Après tout, la grande coalition du bloc-BAO se bat contre un Daesh qu’elle a elle-même inventé et fabriqué de toutes pièces, du moins dans le chef des USA, virtuoses de cette sorte de double, triple ou quadruple jeu. On peut même observer que toutes ces agitations de cette très longue séquence, notamment pour ce qui concerne le phénomène nommé “terrorisme islamiste”, ont pour origines les manigances évidemment américanistes comme l’a expliqué avec une extrême satisfaction Zbigniew Brzezinski qui en fut l’architecte, dans une interview restée fameuse de janvier 1998 au Nouvel Observateur.

DDE

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