Il est l’homme politique dont on parle le plus. Secrétaire général du FLN, il est devenu le personnage le plus détesté ou craint de la classe politique. Mais que sait-on réellement de lui ? Qui est-il vraiment ? Mis à part quelques éléments biographiques épars, la presse nationale et les observateurs ignorent tout du passé d’Amar Saïdani. Algeriepatriotique vous livre sa véritable histoire. Amar Saïdani, c’est tout avant tout l’histoire d’un grand malentendu et d’une falsification. Car si personne ne sait qui il est vraiment, c’est en partie parce qu’il n’existe pas dans l’état civil algérien. Son véritable nom se trouve, quelque part, dans la mairie de la localité d’Oum El-Araies, dans la province de Gafsa, au sud-ouest de la Tunisie. Son père, Mouldi Sadani, l’inscrit dès sa naissance en Tunisie, obtenant de facto la nationalité tunisienne. Son lieu de naissance pouvant être un handicap pour sa carrière, il le change en s’inscrivant à l’état civil de la ville d’El-Oued. Il modifie aussi son nom, devenu Saïdani. La falsification est donc totale. Le jeune Amar grandit dans la ville aux mille coupoles, entouré de ses frères et sœurs. Son père, Mouldi, retraité de l’entreprise d’Etat tunisienne qui exploitait la mine de phosphore d’Oum El-Araies, ne savait pas quoi faire du cadet de ses fils, éjecté de l’école primaire. Le petit Amar était trop turbulent et agressif pour que le système scolaire puisse le garder. L’établissement scolaire, qui ne pouvait plus gérer un mauvais élève, violent de surcroît, l’exclut en 5e année primaire. Se retrouvant ainsi dans la rue, le jeune Amar vécut de quelques larcins, communs aux gamins de son âge jusqu’à ce qu’il trouve une vocation : la musique. Contrairement à ce qui se raconte sur sa préférence pour la derbouka dont on dit qu’il était doué, c’est vers le chant et la danse qu’Amar se destine. Il est d’ailleurs devenu rapidement un danseur populaire. Maîtrisant parfaitement la danse du ventre, dont il fit sa spécialité, Amar devint une attraction des mariages populaires dans la région d’El-Oued. Un garçon ayant le déhanché des danseuses égyptiennes est une denrée rare. Mais sa carrière «artistique» ne se lança véritablement que lorsqu’il reprit le tube d’un artiste local (qu’il a privé des droits d’auteur au passage), intitulé «Min Taht Chibek Ghmazni» (que chacun traduira comme il veut). Sa «carrière» le poursuivit jusqu’aux couloirs de l’Assemblée populaire nationale (APN), après avoir été intronisé président de la chambre basse de notre pauvre Parlement. On le surnommait en effet le «drabki». Amar Saïdani, offusqué de ce surnom, se lança ainsi dans la chasse de son passé compromettant en créant une petite brigade à El-Oued pour récupérer et mettre à l’abri les clichés, les photos et les vidéos de ses prestations, le montrant en train de danser à l’égyptienne et pousser la chansonnette dans un accoutrement féminin. Usant de son statut de troisième personnage de l’Etat, Saïdani tenta par tous les moyens d’effacer la moindre trace de ses antécédents. Il s’est donné un mal de chien pour garder secret ce lourd fardeau que constituait son passé qui ne le prédestinait assurément pas à présider aux destinées d’une assemblée nationale ni encore moins d’un parti politique comme le FLN. Mais son œuvre était telle qu’il était difficile de tout faire disparaître. Il faut dire que quelques habitants d’El-Oued gardent toujours et jalousement ce type d’images rares qui valent de l’or de nos jours. Cacher sa «carrière artistique» ne suffisait pas pour gravir les échelons et atteindre le sommet de l’Etat, il fallait retourner à l’école. Sans diplôme, Amar savait qu’il ne pouvait rien faire. Comme le système éducatif ne voulait plus de lui, il recourra aux services de quelques «amis» devenus experts dans la contrefaçon et la fabrication de faux documents. C’est grâce à eux qu’il se fit délivrer un certificat de scolarité de terminale L afin de pouvoir passer le baccalauréat en candidat libre. Sans surprise, il essuya un échec cuisant. Frustré, Amar décida l’année d’après d’envoyer à l’examen un élève à sa place et obtint ainsi ce précieux sésame. L’histoire a fait le tour d’El-Oued à tel point que l’actuel SG du FLN a été, dès lors, surnommé «Amar al-djamei» (Amar l’universitaire). Roi de l’entourloupe et de la falsification, Amar Saïdani a ainsi réussi à tromper son monde (ce ne sera pas la première fois) en étant bachelier et diplômé sans avoir de traces dans aucun CEM ou lycée d’El-Oued. Mais ses «relations» à l’académie ont tenté de combler ce trou administratif.
Un syndicaliste aux méthodes brutales et expéditives
S’en suit alors la deuxième vie d’Amar Saïdani. Connu pour être hargneux, aux méthodes brutales et expéditives, fonceur, n’ayant pas froid aux yeux ni peur de la bagarre, c’est dans le syndicalisme, au sein de la section UGTA d’El-Oued, qu’Amar Saïdani a décidé de faire ses premiers pas de militantisme. Pas n’importe quel genre de militantisme. Celui des gros bras qui réglaient les comptes aux pauvres gens. Entouré de quelques repris de justice connus pour leur implication dans les affaires de contrebande, notamment vers la Libye, Amar Saïdani s’est lancé dans le bain syndical en faisant partie d’une délégation de l’UGTA qui a pris part à un congrès syndical maghrébin régional qui se tenait dans la banlieue de Tripoli. Pour un baptême du feu, ce fut le désastre, se souvient un ancien cadre syndical. En effet, le trésorier du congrès s’est plaint d’un vol de la caisse de l’organisation et le pauvre Amar Saïdani fut aussitôt accusé. Les Libyens étaient tellement sûrs de détenir le coupable qu’ils l’ont vite mis sous les verrous. C’est grâce au défunt Messaoud Baghdadi, figure syndicale locale écoutée et respectée, qu’Amar Saïdani a été sauvé in extremis, ajoute notre source. Le secrétaire général de l’UGTA de l’époque, Tayeb Belakhdar, contacta les autorités libyennes officiellement afin que Saïdani puisse être libéré. Après quatre jours de tractations, il le fut et Tripoli ne lui donna que quatre heures pour quitter le territoire libyen. Malgré le scandale, Saïdani demeura au sein de l’UGTA locale. Mais il n’échappa pas à l’humiliation. A l’Assemblée générale constitutive de la fédération UGTA de la wilaya d’El-Oued, El-Hachemi Seghir, membre du bureau national, remarqua la présence de Saïdani dans la salle de conférences et refusa de commencer l’AG tant que «le militant» Amar n’avait pas quitté la salle. «Sors de cette salle, voleur», lui lança-t-il en public dans l’une des pires humiliations de sa vie dont il se souviendra plus tard pour assouvir sa vengeance. Il faut dire qu’en parallèle à ses activités de «militant», Saïdani poursuivait ce qui faisait sa réputation : la contrebande avec une bande de copains. Son petit gang s’est fait une réputation dans l’achat et la revente de matériel roulant, dont des camions de la Sonatrach à Hassi Messaoud qui étaient refourgués au Niger et au Mali.
La toute-puissance de la Sécurité militaire au service du caïd local
Après avoir réussi à amasser un joli magot, Saïdani voulait le pouvoir. Du moins local pour commencer. Il a compris après son épisode à l’UGTA qu’il ne pourrait imposer sa loi à El-Oued que grâce à des réseaux politiques (FLN) et militaires (SM). C’est vers ces deux directions qu’il se tourne pour réaliser ses desseins. Il commence par se rapprocher du chef d’antenne de la Sécurité militaire d’El-Oued, un certain commandant El-Hachemi, avec lequel il se lie d’amitié. Pris sous son aile, Saïdani finit par devenir une terreur locale. Ainsi, celui qui dénigre aujourd’hui le DRS, appelant à son démantèlement, et qui se fait le chantre d’un «Etat civil», a utilisé la toute-puissance de la Sécurité militaire de l’époque pour se bâtir une impunité de caïd local, craint et brutal. Il fallait d’abord blanchir l’argent de la contrebande qui grossissait à fur et à mesure que le trabendo fleurissait dans la région d’El-Oued. Pour ce faire, Saïdani devient un intermédiaire efficace dans les affaires de la mafia locale. Tout passe par si Amar : lignes de crédit, achats de biens… Vous voulez acquérir une villa, un appartement ou une terre ? Voir si Amar. Dans toutes les transactions des barons locaux, on retrouvait la trace d’Amar Saïdani qui, au passage, n’oublie pas sa famille. Son frère bénéficia d’un crédit d’un milliard de centimes afin d’acquérir une station d’essence connue dans le Tout-El-Oued comme appartenant en toute légitimité à un citoyen qui en fut brutalement dépossédé. Mansouri Abdelhafidh, plus connu sous le nom de Hafa Mhenni, s’est vu éjecter de ses terres et déposséder de sa pompe à essence attribuée à un membre de la «tribu» de si Amar. Car cette station d’essence est la mieux placée de la ville. Elle se trouve devant le marché municipal, ce qui la rend très attractive et plus que rentable. Mais Saïdani ne s’arrête pas là. Grâce aux interventions d’«amis» au sein de l’antenne de la Sécurité militaire et à des pressions sur la direction locale de Naftal, il réussit à obtenir la délocalisation des autres projets de stations d’essence en dehors de la ville. Cette hogra, érigée en règle à El-Oued, a suscité la colère des habitants qui supportaient mal l’intrusion de cet individu dans la vie sociale et politique de la ville. Ce fut le cas de Mme Oum El-Kheir, épouse du docteur Hassan El-Djilani. Cette brave dame, qui était directrice d’école respectée mais surtout secrétaire générale de la section locale de l’Union nationale des femmes algériennes (UNFA), a été expulsée du logement de fonction qu’elle occupait avec sa famille depuis une dizaine d’années. Elle a été jetée à la rue en plein hiver à cause de son opposition bien assumée à l’entrée de la sœur de Saïdani au sein de l’UNFA. Cette dernière y fit une carrière fulgurante, jusqu’à nos jours. Ainsi, grâce à ses appuis dans l’ex-SM, qu’il critique ouvertement aujourd’hui, Saïdani est devenu une figure locale du népotisme. Avec le commandant El-Hachemi, il fit appel à un autre mentor, Kessab Bachir, de son vrai nom Soufi Bachir, né comme Saïdani à Gafsa et dont la famille était appelée «les Benzerti». Ce trio fera la loi durant deux décennies à El-Oued. Ils ont même créé un groupe d’autodéfense qui a fait régner la terreur dans cette wilaya.
Intrigues de bas étage et magouilles organiques au FLN
C’est au sein du FLN que Saïdani est devenu une «célébrité nationale». Changeant de cap comme d’autres changent de chemise, celui qui soutient avec un zèle malsain le président de la République, qui au passage doit ignorer des pans entiers de l’histoire de cet opportuniste politique, n’est pourtant pas à son premier coup du genre. Amar Saïdani a été le fondateur et l’animateur de tous les comités de soutien d’El-Oued. Il était présent à la réélection de Chadli Bendjedid en 1984. Il était également présent à l’intronisation de Mohamed Boudiaf en 1992 et à l’élection triomphale de Liamine Zeroual en 1995, assure un ancien militant du parti. Professionnel de la chita (flagornerie), sachant se placer toujours au premier rang, il n’allait tout de même pas rater le train des élections de 1999, auxquelles Bouteflika était candidat. Pour parvenir à ses buts, il a dû faire un «coup d’Etat» au fondateur originel du comité de soutien à la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à El-Oued, El-Hadj Mohamed Bachir Djdidi, qui était également le PDG de la Sarl El-Wouroud. Ce dernier, qui a été de tous les combats en faveur du président Bouteflika, s’est vu éjecter brutalement par Saïdani et sa bande. Adepte de la brosse à reluire, Amar Saïdani a changé également de doctrine politique. Il a basculé vers la réconciliation nationale, lui qui jurait en 1998 par tous les saints d’El-Oued et de Guemmar qu’il ne ferait jamais la paix avec un terroriste. Revenons au FLN et voyons comment Amar Saïdani est devenu incontournable dans les intrigues de bas étage et les magouilles organiques. Son adhésion au FLN, comme à l’UGTA, ne s’est pas faite sans scandale et sans heurts. Conscient d’être un homme au lourd passif de contrebandier et d’affairiste, Saïdani alla tenter sa chance à la mouhafadha FLN de Biskra. Sa réputation l’ayant précédé, il essuya un rejet catégorique de la part du mouhafedh, le docteur Mohamed Saïdi. De retour à El-Oued, sa tentative d’intégrer le FLN local ne fut pas une réussite non plus. Le mouhafedh d’El-Oued, Yahia Amani, le chassa de son bureau. Son histoire avec le FLN commença ainsi mal. Mais il n’était pas du genre à lâcher l’affaire. Ses «connexions» avec la mafia locale lui donnent un sacré coup de pouce. Ses «amis» mettent en branle leur machine de propagande à coups de véhicules offerts à quelques cadres véreux, lesquels font un intense lobbying afin que Saïdani revienne dans les bonnes grâces de la mouhafadha. Et les complots internes ont commencé afin de faire place nette au nouveau venu et à son argent. Tous ceux qui ont dénoncé l’arrivée de l’argent sale au sein du FLN ont été «liquidés». A commencer par les mouhafedhs qui se sont opposés au système déjà rentier de Saïdani comme l’honorable Kaci El-Ayech ou encore le vénérable universitaire de Constantine, le docteur Bouzid Kahoul. Disposant du pouvoir en interne et des caisses du parti, Saïdani s’imposa comme l’homme du FLN à El-Oued. Et comme c’est le cas dans ce genre d’affaires, les premières semaines ont connu un mystérieux incendie qui a détruit tous les documents du FLN à El-Oued (sauf des duplicata qui se trouveraient à Constantine en lieu sûr). La méthode Saïdani était un pipeline d’argent destiné à ses partisans (le système allait devenir national au sein du FLN de la chkara) et aux mafieux en tous genres ; les affairistes allaient se refaire une virginité au sein du parti historique cher à de nombreux Algériens et à la nation, et cher également au président d’honneur du FLN, Abdelaziz Bouteflika, qui ignore visiblement que ces pratiques se fassent aujourd’hui en son nom. Mais ces pratiques, qui ont commencé en 1991, ont fait réagir la base militante honnête et patriotique à El-Oued qui a provoqué alors une assemblée générale extraordinaire pour exclure Saïdani et sa bande des instances du parti. C’est le 16 décembre 1996 qu’El-Oued a cru se débarrasser définitivement de Saïdani en installant un nouveau mouhafedh en la personne du professeur Youcef Brahimi, sous la supervision de la direction centrale et de Saïd Bouhedja, actuellement membre du bureau politique désigné par Saïdani.
Propulsé député après deux jours de scandale et de tripotage des chiffres
«Ne s’avouant pas vaincu, Amar Saïdani est allé se plaindre à son ami de la SM, le commandant El-Hachemi. Ce dernier l’embarqua aussitôt dans sa voiture et fit le tour de tous les quartiers d’El-Oued afin que la population voie que Saïdani est soutenu par les services et par l’armée, et que, de ce fait, son éjection du FLN local n’allait pas se passer comme ça», raconte la même source. Et c’est le secrétaire général du FLN de l’époque, Boualem Benhamouda, qui trancha le litige en envoyant le 5 mai 1996 une lettre solennelle au wali d’El-Oued (n°80/96) l’informant officiellement qu’Amar Saïdani n’est plus le mouhafedh FLN d’El-Oued et qu’il ne représente dorénavant que lui-même. Mais c’était sans compter sur la capacité de rebondir de Saïdani. Menacé par l’affaire des coups et blessures contre la personne de Youcef Brahimi (nous y reviendrons dans un prochain article) et accusé par le FLN d’avoir dilapidé la caisse locale et fait disparaître pratiquement tout le parc roulant dont les voitures des membres du bureau politique, Saïdani allait profiter d’un autre coup de pouce de son «ami» des services. Au-delà de se tenir debout à son procès, le commandant El-Hachemi va l’aider à devenir député au détriment du candidat local de l’ex-Hamas. «Il faut dire que son score électoral était éloquent dans toute la wilaya : 2 500 voix», se rappelle la même source. Un score qui reflétait l’état de popularité de Saïdani, vomi par la population locale. «Le résultat était tellement sans appel que Saïdani s’est effondré dans un centre de dépouillement ; il fut évacué vers l’hôpital pour apaiser son diabète», assure notre interlocuteur. Mais qu’à cela ne tienne. Un tour de passe-passe administratif et voilà que Saïdani se voit propulser député après deux jours de scandale et de tripotage des chiffres et un recours non validé de son concurrent de l’ex-Hamas. Huit ans plus tard, il présida par on ne sait quel autre miracle aux destinées de l’Assemblée nationale populaire. Ainsi, le passé d’Amar Saïdani est aussi trouble que le personnage lui-même. Mensonge, trahison, brutalité, népotisme, hogra, affairisme… la liste est tellement longue que cette tentative de défricher le «CV» de Saïdani n’a fait qu’entrevoir la partie émergée de l’iceberg. Nous détenons encore d’autres éléments sur les agissements de ce sinistre personnage, devenu par la force des choses le porte-parole du président de la République sans qu’on sache pourquoi et comment. Et s’il y a une histoire qui peut résumer l’opportunisme vil de Saïdani, c’est ce qu’il a fait à son propre père, Mouldi. Un modeste monsieur aimé et respecté qui s’est voûté le dos dans les mines d’Oum El-Araeis sans tenter de profiter du système. A son décès, son fils lui fit établir un certificat d’appartenance permanente à l’Organisation nationale des moudjahidine en tant qu’ancien maquisard.
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