Beaucoup de journaux et de magazines dont « Le figaro » , rapportent que le président des USA, Donald Trump serait inspiré de la «théorie du fou» inventée en 1968 par le président Richard Nixon, tout juste élu à l’époque, inspiré par son conseiller à la sécurité nationale, Henry Kissinger, pour mettre un terme à la Guerre du Vietnam. Nixon expliquait à son autre conseiller, Bob Haldeman: «J’appelle cela la théorie du fou, Bob. Je veux que les Nord-Vietnamiens croient que j’ai atteint le point où je pourrais faire n’importe quoi pour mettre fin à la guerre. Nous leur ferons passer le mot: “Pour l’amour de Dieu, vous savez que Nixon est obsédé par le communisme. Nous ne pouvons pas le contrôler lorsqu’il est en colère, et cet homme a la main sur le détonateur.” Et Hô Chí Minh en personne sera à Paris dans les deux jours, implorant la paix».
Feindre la folie, l’exaspération, l’irrationalité pour faire plier son adversaire. Un pari risqué quand l’équilibre nucléaire est en jeu. «Donald Trump joue depuis le début de son mandat sur son imprévisibilité, ce qui peut être très utile», commente le géopolitologue Hadrien Desuin, mais «Donald Trump n’a rien à voir avec Richard Nixon, qui était cultivé, très fin et grand stratège. De ce point de vue, Donald Trump a beaucoup moins besoin de jouer au fou que son prédécesseur».
L’autre différence tient à la nature du conflit. «Donald Trump n’a aucune solution militaire face à la Corée du Nord, il ne peut aller au-delà de la gesticulation», explique le Général (2S) Jean-Bernard Pinatel, qui estime que le président américain, par son langage, s’adresse avant tout aux Américains, pour faire oublier les déboires de sa politique intérieure. «Que peut-il faire? Une frappe préventive? La Corée du Nord dispose aujourd’hui de 10 à 20 armes nucléaires, suffisamment miniaturisées pour atteindre la Corée du Sud ou le Japon, voire l’île de Guam. Il y a bien sûr le bouclier antimissile, mais s’il demande à son état-major: ‘quelles sont les garanties?’, ses officiers généraux lui répondront que le risque zéro n’existe pas en matière militaire. Peut-il prendre le risque de frappes nord-coréennes de représailles qui pourraient faire un million de morts à Séoul ou à Tokyo? Je ne le pense pas», déclare Jean-Bernard Pinatel. Une situation différente de celle de Richard Nixon qui, en décembre 1972, avait lâché plus de 15.000 tonnes de bombes en onze jours sur le Nord-Vietnam pour illustrer sa «théorie du fou».
«Je ne crois pas à l’irrationalité du régime nord-coréen, qui sait parfaitement que tous les acteurs de la région n’ont aucun intérêt à ce que le statu quo change et qui sait que Donald Trump peut difficilement tenter une frappe préemptive, que craint tant la Corée du Sud que le Japon», ajoute Hadrien Desuin.
Il n’est pas impossible qu’en usant de la «théorie du fou», Donald Trump s’adresse aussi indirectement à la Chine, allié historique du régime de Pyongyang. Une possibilité qu’évoque The Spectator : «C’est une approche très risquée, vu la mise en jeu du nucléaire, mais cela semble fonctionner. Aux Nations unies la semaine dernière, la délégation chinoise a voté l’augmentation des sanctions contre la Corée du Nord et, le jour même où Donald Trump promettait le «feu et la fureur», le ministre des Affaires étrangères de la République populaire a confirmé que la Chine souhaitait ‘payer le prix’ pour mettre complètement sous contrôle son allié turbulent. La Chine semble avoir écouté le message de Donald Trump quand il a déclaré sur Twitter: ‘Je suis très déçu par la Chine’». Une influence de Washington sur la Chine que ne reconnaît pas le Général Pinatel, qui estime que Pékin n’est pas dupe du jeu de Donald Trump. Et ce d’autant plus qu’«en dépit de leur alliance, la Corée du Nord n’obéit pas à la Chine, comme si Pékin pouvait simplement claquer des doigts», explique à la revue Conflits, Dorian Malovic, coauteur avec Juliette Morillot, de La Corée du Nord en 100 questions, qui ajoute que «les Nord-Coréens sont très attachés à leur autonomie».
Pour Richard Nixon, la «théorie du fou» a fini par porter ses fruits au Vietnam, puisque les accords de Paix de Paris, signés en 1973, ont permis l’armistice et le retrait du contingent américain. En partie seulement, car après le départ des Etats-Unis, l’Armée populaire vietnamienne lance une série d’attaques au début du mois de mars 1975. La chute de Saïgon, le 30 avril, entraîne la victoire du gouvernement communiste d’Hanoï et la réunification du pays sous l’égide du Nord. Un revers pour Washington auquel Nixon n’assistera pas en tant que président des Etats-Unis puisqu’il démissionne le 9 août 1974, pour échapper à la destitution, suite au scandale du Watergate.
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