Voici donc des nouvelles sensationnelles, – venues d’une part de ce “dictateur abominable” qui conduit un régime “mon-stru-eux” (nous citons un “journaliste français” “spécialiste” de politique extérieure et respectueux de la dignité du service), c’est-à-dire Kim le Nord-Coréen ; – et, d’autre part, de “D.C.-la-folle” par rapport à Moscou, à Poutine et à ses initiatives sur les armements. Pour contredire le sens des nouvelles du showbiz qui vont évidemment au spectacle du duo Kim-Trump, commençons par le second sujet.
• … Car au milieu du déchaînement d’antirussisme qui inonde “ Washington D.C.-la-folle” depuis près de deux ans, voici soudain une initiative qui montre à la fois une soudaine inquiétude, une prudence inattendue et une surprenante recherche du compromis. Tout cela d’autant plus surréaliste puisque venu de quatre sénateurs US, d’un parti plongé jusqu’au cou dans l’antirussisme, le parti démocrate (même si l’un d’eux a la coquetterie de s’étiqueter “indépendant”). Parmi ces quatre parlementaires honorables, la sénatrice Diane Feinstein, en général ultra-dure puisque présidente de la très-secrète commission du renseignement du Sénat ; et le célébrissime et piètre Bernie Sanders, qui venait de se rallier à Hillary (curieux timing) dans sa dimension antirussiste il y a une semaine, en dénonçant à son tour, fort glorieusement comme on le comprend, la manipulation anti-Hillary des élections USA-2016 par les Russes, documentée par un dossier superbe comme on sait, aussi fourni qu’un simulacre postmoderne monté dans les sables du désert des Tartares.
Pour autant, les voici, ces deux-là avec deux autres, qui signent une lettre au secrétaire d’État demandant que Washington explore la possibilité de négociations avec Moscou sur la limitation des armes nucléaires, dans le cadre stratégique du traité START ; cadre où l’on sommeillait et que Poutine a fortement bousculé avec son discours du 1er mars. « Maintenant, vous allez nous écouter », avait déclaré Poutine à la fin de son discours, s’adressant à ses “collègues” US. Effectivement, ils commencent à écouter… Cela, comme l’explique Spoutnik-français.
« Un groupe de sénateurs américains a appelé le secrétaire d’État américain Rex Tillerson à entamer un dialogue avec Moscou suite aux déclarations de Vladimir Poutine concernant de nouvelles armes russes. “Un dialogue stratégique entre les États-Unis et la Russie est devenu plus urgent suite au discours du président Poutine, le 1er mars, lorsqu’il a évoqué plusieurs nouvelles armes nucléaires que la Russie développerait, notamment un missile de croisière et un drone sous-marin nucléaire”, lit-on dans la lettre signée par les sénateurs Edward J. Markey, Jeff Merkley, Dianne Feinstein et Bernie Sanders.
Les législateurs s’inquiètent du fait que certaines des nouvelles armes nucléaires russes ne sont pas couvertes par le Traité sur la réduction des armes stratégiques (nouveau START), et demandent donc à ce que l’accord soit prolongé. Les auteurs du document estiment que des pourparlers avec Moscou mèneront à plus de transparence dans l’activité russe en matière de mise au point d’armes tactiques… »
Précisons pour la chronique et nos archives qu’ici et là apparaît l’aveu des officiels et chefs militaires du Pentagone qu’ils ont été pris par surprise, – une fois de plus confirme la coutume, – complètement pris par surprise par le discours de Poutine et qu’ils tiennent ses révélations sur les nouveaux armements russes comme un simulacre (façon de penser chez eux) qu’il faut commencer à prendre en compte et au sérieux. Interrogé par les sénateurs sur les capacités des défenses US (antimissiles stratégiques [ABM] notamment) de contrer les nouvelles armes en question, le sous-secrétaire à la défense pour la politique John Rood a répondu platement à ce propos : « Cela n’a pas été notre but [de contrer les nouvelles armes] et les capacités [ABM] développées ne nous permettent pas de le faire.
Puis, plus loin, cette appréciation surprenante même pour un virtuose de la narrative-simulacre, – dans le genre “Poutine, décidément, ne joue pas le jeu, c’est-à-dire notre jeu”… Comme d’habitude, le Pentagone sait tout (sur les “nouvelles” armes russes), était au courant, n’est pas surpris, n’a rien fait par ailleurs pour rétablir l’équilibre des forces, se trouve donc dépassé sans qu’on soit autorisé à le constater et à lui en faire reproche en aucune façon, mais il se trouve surtout bien préoccupé que le président russe en parle de cette façon. (Après tout, les nouvelles armes russes devraient être, elles aussi, couvertes par le “Secret-défense” du Pentagone, nyet ?)
« Je pense que la déclaration du président russe Poutine, bien qu’elle ne nous surprenne pas, nous a déçus. Bien que nous ayons été au courant du développement des capacités russes et alors que nous observons avec inquiétude certains des développements qui ont été faits dans le cadre des programmes de la doctrine et du développement, il est néanmoins décevant de voir que le président de la Fédération de Russie choisisse d’en faire état de cette façon. »
• Le deuxième front, comme on le sait, est secoué d’une nouvelle encore plus sensationnelle. L’infâme et grotesque Kim, le président-bouffon de Corée du Nord de-père-en-fils, a fait dire par ses “amis” sud-coréens, puis fait confirmer qu’il lui serait fort agréable de rencontrer le président Trump pour que l’on puisse “parler” de dénucléarisation, promettant en attendant cette rencontre de n’effectuer ni essai nucléaire, ni essai de tir de missiles. La réponse a tweeté comme un missile intercontinental : acceptation enthousiaste de Trump, décidément incontrôlable.
Certains y voient un revirement extraordinaire (de Kim), d’autre l’aboutissement d’une démarche constante qui cherche à faire reconnaître de facto par les USA et les puissances du bloc-BAO l’existence de la Corée du Nord. Une poignée de main de Kim avec Trump, avant de parler des choses sérieuses commençant par un évaluation de leurs coupes de cheveux respectives, reviendrait à une telle reconnaissance. On donne ici une interprétation de l’historienne française spécialiste de la Corée du Nord Juliette Morillot, interviewée par RT-France.
« Invitée du journal de RT France, Juliette Morillot, historienne spécialiste de la Corée du Nord, revient sur la détente annoncée entre Pyongyang et Washington. Selon elle, plutôt qu’un revirement, Kim Jong-un a au contraire une certaine constance.»
En l’espace de quelques semaines, les relations entre la Corée du Nord et les Etats-Unis, jusque-là exécrables ont connu un basculement total. Donald Trump a accepté le 8 mars la main tendue par Kim Jong-un Oublié le temps où Donald Trump, en août 2017, menaçait Pyongyang du “feu et de la fureur” nucléaire en réponse aux essais balistiques de l’armée nord-coréenne.
[De son côté], Kim Jong-un traitait ainsi son homologue américain entre autres de “gâteux” et de “chien apeuré”. “Si les Etats-Unis se comportent de manière à nier le droit à notre Etat d’exister nous leur ferons payer cher, par le juste pouvoir de notre arsenal nucléaire”, avait déclaré l’ambassadeur nord-coréen en Russie, Kim Yong-jae.
Et c’est en effet, d’après Juliette Morillot, historienne et spécialiste de la Corée du Nord, ce “droit d’exister” qui semble sous-tendre toute la politique étrangère de Pyongyang. “Depuis tout temps, la Corée du Nord aspire à traiter d’égal à égal avec les grandes puissances – les Etats-Unis – à reprendre son destin en main et à avoir un dialogue bilatéral avec Washington”, estime la spécialiste. “La Corée du Nord se sent sous menace permanente américaine. Donc elle avait besoin de cette arme nucléaire qui est une sorte d’assurance vie pour s’affirmer”, souligne Juliette Morillot, ajoutant que Kim Jong-un jouait, selon elle “assez finement” diplomatiquement parlant.
“Maintenant qu’il a cette arme nucléaire, il peut jouer la carte diplomatique et arriver à ce qu’il veut, c’est-à-dire être reconnu”, explique Juliette Morillot, ajoutant : “il va rencontrer d’égal à égal Donald Trump.” “En ce sens, argumente-t-elle, on ne peut pas parler de revirement de Pyongyang. En revanche, pour Donald Trump qui s’est mis dans une impasse à force de ligne rouges et de mises en demeure, c’est une porte de sortie.
Madame Morillot était également l’invitée des 24 heures Pujadas, sur LCI hier à 18H00, ce qui montre que RT invite des gens convenables et fréquentables ou bien que Pujadas entend mal les consignes. Elle a pu développer sa thèse devant un Bernard Guetta, autre invité, éructant de fureur rentrée derrière un sourire de convenance en nous entretenant de ce “régime mon-stru-eux”. Face à la voix apaisée de madame Morillot, Guetta représente complètement la voix du Système, furieux d’être privé d’une source d’invectives qui offrait une autre sorte de voie, celle de la surenchère de la puissance militaire, de la politique belliciste, du suprémacisme du bloc-BAO retapé de l’anglosaxonisme, – bref celle du nihilisme lorsqu’il se fait néantisation, de ce genre si bien porté dans les salons chics et transatlantiques. L’hybris du journaliste du simulacre est toujours une hystérie plaisante et divertissante à regarder dans ces moments où elle essuie un coup de pied au cul un peu trop voyant de la part des événements agacés.
• … Cela dit, rien n’est dit bien entendu, de tous les côtés. A la fois face aux Russes et face aux Nord-Coréens, les américanistes de “D.C. la-folle” se sont faits prendre comme des adolescents boutonneux s’essayant aux lectures salaces, si inexpérimentés, incapables d’imaginer de telles réactions et de telles décisions qui les privent de l’initiative habituelle des contraintes, menaces, manipulations et manigances. Si l’on parle “dénucléarisation” avec les Nord-Coréens, ceux-ci veulent en échange de garanties de sécurité sérieuses. Quoi ? Réponse évidente, pensent madame Morillot et d’autres esprits : retrait des forces US de Corée du Sud au moins (hypothèse qui rejoint celle d’une connivence entre les deux Corées, le Sud, avec son nouveau président qui paraît un peu excédé par la sangsue US installée dans son flanc avec 35 000 soldats). Morillot parle aussi des soldats US à Okinawa et à Guam, comme menaces contre la Corée du Nord, et à propos desquels les Nord-Coréens vont argumenter. C’est dire 1) si l’on est loin, très loin d’arriver à un accord, et 2) si la riposte attendue du War Party à Washington devrait être absolument furieuse car, pour lui, et pour le Pentagone cela va soi, aucun de ces trois points d’appui des forces armées (Corée du Sud, Okinawa, Guam) n’est négociable.
On peut aussi explorer d’autres voies, dont l’une serait la réunification des deux Corées (toujours la connivence) et la constitution d’une zone de sécurité nationale dont, – par exemple pour se faire plaisir et se faire bien voir dans les couloirs du Pentagone et les salons des think tanks, – la Chine serait la garante. L’idée rejoindrait celle de Poutine lorsqu’il dit que l’arsenal nucléaire hyper-modernisé de la Russie sert de parapluie de défense à la Russie et “à ses alliés”. Cette démarche tournant autour d’une idée qui additionne les apostats, – sécurité régionale dans plusieurs zones, exclusion des USA de cette sécurité, – doit là aussi rencontrer des oppositions absolument furieuses, déchaînes, paroxystiques et hystériques, à Washington/“D.C.-la-folle”. Nous devons aller jusqu’à des hypothèses de rupture ou d’effondrement dans les affrontements internes autant que dans les relations internationales car c’est toute la structure de l’empire avec ses centaines de bases et ses centaines de $milliards qui est en jeu.
Pour les USA en sa qualité de “D.C.-la-folle”, la “paix” multipolaire avec des acteurs régionaux coopérant est aussi dangereuse, non bien plus dangereuse que l’état de guerre latent et la marche au bord du gouffre. C’est dire si les évolutions qui pourraient s’amorcer ont de quoi terrifier “D.C.-la-folle”, plus folle que jamais, le DeepState, le War Party & Cie. Si les évènements nous éloignaient du gouffre, nous serions plus que jamais au bord du gouffre.
Les plus habituellement pessimistes sont de toutes les façons là pour nous rassurer et nous instruire de leur feuille de route (“éloigné du gouffre, plus que jamais au bord du gouffre”). Pour ce qui concerne l’acceptation de Trump d’un sommet avec Kim, cette interprétation n’en fait que le fruit du comportement erratique du président, et l’échec du sommet, si sommet il y a, est écrit évidemment en lettres majuscules et rendra la situation pire qu’elle n’a jamais été. C’est ce qu’écrit le site WSWS.org, fidèle à sa démarche habituelle d’extrême pessimiste qu’il développe dans un cadre hypothétique classique :
« La volte-face abrupte du président des USA Donald Trump acceptant l’invitation du président nord-coréen Kim Jong-un de participer à un sommet en mai est une mesure de plus du caractère erratique et imprudent de son administration. Ayant passé la première année à menacer la Corée du Nord de “totale destruction”, Trump a accepté de parler bien que la perspective soit toujours extrêmement incertaine. Même s’ils ont lieu, les entretiens échoueront rapidement, créant une situation encore plus explosive dans la péninsule coréenne. »
DDE