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L’arrogance israélienne force la main de Poutine

La Russie a décidé d’expédier son système S-300 VM en Syrie et a déjà commencé à livrer des Krasukha 4 qui brouillent les radars et d’autre équipement connexe. Ces installations témoignent de l’état des relations entre Moscou et Tel-Aviv. La capacité d’Israël de détruire le nouveau système russe en Syrie n’est pas en cause. Israël pourrait toujours trouver un moyen d’y parvenir. Sauf que tout geste en ce sens serait perçu comme une atteinte directe au statut de superpuissance de la Russie.

La Russie a démontré sa patience stratégique à maintes reprises : lorsque deux de ses avions ont été abattus (le premier par la Turquie en 2015), lorsque les USA ont lancé 59 missiles de croisière au-dessus de sa tête et lorsque les USA ont bombardé des positions syriennes et des volontaires russes à Deir Ezzor. Sauf que la dernière des nombreuses provocations israéliennes risquait de faire paraître la Russie plus faible qu’elle ne l’est. Ce faisant, Israël a ainsi forcé la Russie à réagir fortement.

La décision russe de livrer ces systèmes de missiles perfectionnés, capables de neutraliser toute cible ennemie dans un rayon de 200 km, ne veut pas dire que la Syrie commencera à s’en servir dès demain et qu’elle pourra ainsi abattre tout avion qui viole son espace aérien et celui du Liban. La Russie est reconnue comme lente à livrer la marchandise et voudra avoir le contrôle sur la gâchette en raison de la présence de ses forces aériennes dans le ciel qu’elles partagent avec celles de la coalition des USA.

L’arrogance israélienne a poussé le président Vladimir Poutine à sortir de sa zone de confort en prenant cette décision. Le commandement russe a exprimé sa colère sans ambages en qualifiant Israël de « très ingrat ». Il semble bien que la Russie a énormément aidé Israël pendant toutes les années de sa présence en Syrie (depuis 2015), au détriment de “l’Axe de la résistance”, dont la Syrie. L’objectif de la Russie a toujours été de maintenir un équilibre entre cet axe et ses relations avec Israël.

Le dilemme de la Russie réside en la difficulté d’assurer un tel équilibre dans ce conflit complexe. Les USA ont pris une position claire en faveur d’Israël. La Russie tentait aussi de s’aligner sur Israël, malgré le fait que l’État militaire assorti d’un gouvernement qu’est Tel-Aviv ne porte aucun intérêt à ce genre d’équilibre. Le comportement récent d’Israël n’est rien de moins qu’une tentative de rabaisser et de ridiculiser la Russie en tant que superpuissance.

Le leadership politico-miliaire en Israël ne s’est pas gêné pour informer la Russie une minute seulement avant sa frappe visant l’entrepôt de Lattaquié où sont fabriquées des pièces de rechange pour les M-600 syriens, l’équivalent des missiles de haute précision à combustible solide Fateh-110. Tel-Aviv a en outre mal informé le centre de coordination russe à Hmeimim, en prétendant que l’attaque israélienne viendrait de l’est. Sur la foi de ces renseignements, le commandement russe a ordonné au IL-20 de se diriger vers l’ouest et d’atterrir à l’aéroport pour éviter d’être pris dans le feu croisé. Sauf que les F-16 israéliens sont arrivés non pas de l’est, mais de l’ouest, ce qui a causé la perte du IL-20 et la mort de 15 militaires russes.

Les efforts de la Russie en vue de parvenir à une position équilibrée se sont heurtés à l’abus de confiance d’Israël. Lors de leur dernière conversation, le président Assad a dit à son homologue russe qu’Israël, sous le prétexte de frapper des convois d’armes du Hezbollah, détruit l’infrastructure de l’armée syrienne, l’empêchant ainsi de se reconstituer. Le premier ministre Netanyahu décrédibilise Poutine pour le punir de la neutralité que le président russe cherche à maintenir.

L’attitude agressive d’Israël l’a amené à commettre une erreur tactique. Israël est aujourd’hui aux prises avec une crise stratégique due à sa condescendance, qui pousse Poutine à armer davantage la Syrie. Mais la décision la plus grave, ce n’est pas la livraison longuement retardée du S-300 VM, mais celle de fermer l’espace aérien syrien et d’empêcher tout avion hostile de le violer. À cet égard, la Russie pourrait ne pas être en mesure d’éviter un affrontement direct avec les USA dont les forces (avec celles du R.U. et de la France) occupent le passage frontalier d’al-Tanf entre la Syrie et l’Irak, ainsi que la province d’Hassaké et une partie de la province de Deir Ezzor.

Le S-300 VM peut protéger la côte syrienne, y compris Alep, Homs et Damas, ce qui devrait suffire à protéger aussi la présence iranienne au Levant. Cela amènera inévitablement Israël à renchérir, et même à utiliser ses chasseurs furtifs F-35 pour éviter toute interception par le système de défense antiaérienne syrien. Mais ce serait là un autre défi ancé directement à la Russie.

« L’Axe de la résistance » observe les choses de loin et a décidé de ne pas intervenir, pour ne pas s’immiscer dans la décision de Poutine. Il voit celle-ci d’un œil positif, comme une première étape l’écartant de sa neutralité. La décision est également perçue comme malvenue par « l’ingrat » Israël.

La décision russe n’est pas tombée des nues, mais résulte des effets cumulatifs des actions israéliennes visant à paralyser la capacité de l’armée syrienne alors que la Russie cherche à la reconstituer. La décision de Poutine va au-delà des relations entre Israël et Moscou. Une guerre régionale et internationale se joue au Levant. Toutes les armes sont utilisées sur le théâtre syro-libano-iranien, hormis les bombes nucléaires.

« L’Axe de la résistance » surveille les choses de près et récolte les fruits des erreurs des USA et d’Israël. Mais le dernier chapitre de cette guerre n’a pas encore été écrit. Un jour ou l’autre, il ne restera plus qu’Hassaké et al-Tanf à libérer, que les forces américaines occupent. La guerre syrienne demeure une boîte à surprises et les dangers risquent de se multiplier à tout moment.

Elijah J. Magnier

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