(Algeriepart): C’est un dossier que seuls quelques experts connaissent son existence en Algérie. La ministre de la Poste, des Télécommunications, des Technologies et du Numérique (MPTTN), Houda Imane Feraoun, est impliqué dans des manœuvres suspectes et douteuses qui ont conduit au détournement de sommes colossales appartenant au fonds du service universel des télécommunications. Un fonds qui pesait ces dernières années jusqu’à 1 milliard de dollars. De l’argent qui était destiné au départ au développement du service universel des télécommunications dans les régions les plus isolées de notre pays.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut savoir, d’abord, que ce fonds a été institué depuis juillet 2000 pour financer une prestation de service télécom destinée à un nombre limité d’habitants. Il s’agit de la mise à la disposition d’un « service minimum » pour « tout résident d’une localité dont le nombre d’habitants est supérieur à 500 et inférieur à 2000 pour le sud de l’Algérie et supérieur à 1000 et inférieur à 2000 pour le nord », expliquent les textes réglementaires de l’Autorité de régulation de la poste et des communications électroniques (ARPCE). Ce service minimum sera « financé par le fonds du service universel des télécommunications permettant par la même le désenclavement numérique de cette localité », explique les mêmes textes.
Plus clairement, le service universel des télécommunications « consiste en un service téléphonique d’une qualité spécifiée, ainsi que l’acheminement des appels d’urgence, l’accès aux services Internet à un débit minimum de 512 kbps, dans le respect des principes d’égalité, de continuité, d’universalité et d’adaptabilité ». Les intentions sont louables, les objectifs sont nobles. Sauf que la gestion de ce fonds qui était placé sous l’égide de l’ARPT, à savoir l’ancêtre de l’ARPCE, a été confiée directement au ministère de Houda Feraoun. Et depuis ce changement de tutelle, les pratiques les plus sombres ont commencé.
En effet, ce fonds du service universel des télécommunications comptait beaucoup, mais beaucoup d’argent. Il était alimenté avec une taxe de 3,5 % que tous les opérateurs de télécommunications agréés en Algérie payaient de leur chiffre d’affaires annuel. De Djezzy en passant par Mobilis ou Ooredoo jusqu’aux opérateurs satellitaires comme Thuraya ou SLC ainsi qu’Icosnet, tous les opérateurs des télécoms versaient cette taxe au profit de ce fonds qui aurait atteint les 1 milliards de dollars après 10 années de son lancement.
Mais où est donc parti tout cet argent ? C’est là que le bât blesse car nous avons obtenu au cours de nos investigations des documents exclusifs qui retracent des manoeuvres occultes orchestrées par Houda Feraoun et ses principaux collaborateurs au ministère de la Poste et des TIC pour détourner l’argent de ce fonds destiné aux algériens des régions éloignées et écartées du développement numérique pour couvrir les déficits répétitifs d’Algérie Télécom. De manière unilatérale et sans aucun respect de la réglementation garantissant la vocation initiale de ce fonds, Houda Feraoun a abusé de son pouvoir pour offrir plusieurs marchés à Algérie Télécom en puisant dans l’argent de ce fonds.
Selon nos investigation, à partir de décembre 2018, l’équivalent de 300 millions de dollars ont été puisés de ce fonds sur instruction de Houda Feraoun dans l’optique d’injecter des fonds dans la trésorerie d’Algérie Télécom pour couvrir les pertes inquiétantes et mirobolantes engendrées par les concessions accordées au géant Huawei dans le contrat pour le déploiement de 1 million d’accès FTTX.
Houda Feraoun a donc aggravé une tendance qui a commencé à partir de 2002 consistant à gérer de manière opaque l’argent du fonds du service universel de télécommunications pour financer des marchés « offerts » à Algérie Télécom dans le seul but de renflouer ses caisses qui perdent sans cesse de l’argent à cause de sa très mauvaise gestion. Il est à signaler en outre que même le gouvernement s’est servi dans ce fonds pour couvrir une partie de son déficit entre 2014 et 2016 au plus fort de la crise budgétaire provoqué par la chute des prix du baril de pétrole. En clair, le gouvernement a payé les fonctionnaires de l’Etat avec l’argent caché dans ce fonds qui était censé servir aux développements des services de télécommunications dans les régions les plus sous-développées de l’Algérie, a-t-on appris au cours de nos investigations.
Au final, Houda Feraoun a profité de ces dérapages successifs pour imposer sa gestion totalement immorale de ce fonds dont on ne sait aujourd’hui plus rien. Combien d’argent reste-t-il ? Comment cet argent est géré et redistribué ? Depuis décembre 2018, Houda Feraoun a siphonné ce fonds sans être inquiétée par aucune instance de l’Etat. Nous sommes donc bel et bien face à un scandale de dilapidation des deniers publics. Qu’attend la justice pour ouvrir une enquête ?