Certains ont peur de la super-armée US, ils ont peut-être tort. On est en Amérique postmoderne, avec un guignol qui ne veut pas jouer au martyr aux commandes, et une marine plus très équipée par rapport à la Chine et la Russie, alors on a un peu de temps devant nous. On a parlé du syndrome Leslie Nielsen pour Donald, on peut rajouter le symptôme Abrams-Zucker pour la guerre du Pacifique : on ne recherche plus pilote, mais porte-avions désespérément.
Un rappel d’abord : on nous demande souvent de réagir positivement ou négativement à des événements. Or ces événements sont montrés, ils ne sont plus avérés. Dans le monde postmoderne, tout est montré, mais rien n’est prouvé. Le temps de chercher les preuves de la non-existence d’un événement incriminé – de Boston à Orlando en passant par Istanbul -, on est passé à autre chose. Miles Mathis parle d’Engineered Events.
Et pendant que les poupées Barbie des médias MSM s’excitent convulsivement devant les haches de guerre déterrées ou la grandeur herméneutique du déploiement érectile américain, voici ce qu’observe Philippe Grasset :
1) Que le USS Carl Vinson se trouve actuellement, venant d’un exercice avec la marine australienne, en croisière après avoir passé samedi le détroit entre les îles indonésiennes de Java et de Sumatra, à près de 5.000 kilomètres au sud de la Corée du Nord. Il ne pourrait être question d’un déploiement au large de la Corée du Nord, s’il se fait au mieux avant fin avril et l’on dirait plutôt début mai si le groupe traîne un peu.
2) Que le USS Ronald Reagan est actuellement en période de maintenance à Yokohama, au Japon, et que cette séquence techniquement impérative ne s’achèvera que courant mai.
3). Que le USS Nimitz est en phase de pré-déploiement après refonte complète au large de l’État de Washington, sur la côte Ouest des États-Unis. Là aussi, il y a des impératifs techniques qui prolongent la position du porte-avions dans la zone pour plusieurs semaines, alors qu’il se trouve avec tout l’Océan Pacifique à traverser avant d’atteindre la zone comprenant la Corée du Nord. Effectivement, le USS Nimitz doit rejoindre cette zone vers la fin du printemps, mais d’abord selon le processus normal de relève du USS Carl Vinson dans son déploiement sur l’espace Océan Indien-Mer de Chine. »
Ce n’est plus la bataille de Midway, c’est la croisière s’amuse !
On se rapproche de la légendaire soupe au canard des Marx Brothers. Groucho propose du dollar pour qu’on ne l’accuse pas d’avoir tiré sur ses troupes. Ici on va proposer du dollar pour faire croire qu’on a quarante porte-avions postés dans le port de Pyongyang.
Et il y a un port à Pyongyang ? On tire le Yi King pour en avoir la preuve ?
Dans El Pais j’avais lu que pour Woody Allen Donald était un bon teatrero. Trump fit croire qu’il était patriote, anti-libre-échangiste, anti-migration, etc. Maintenant il fait croire l’inverse et je doute en fait qu’il soit plus sincère. La tête rivée sur les sondages comme nos républicains de candidats, il se fout de ce qu’il doit dire et penser pourvu qu’il remonte des eaux troubles de l’impopularité. Car Donald redoute par-dessus-tout, en beau marin d’eau douce, l’amer des sarcasmes !
Eh bien son armée c’est du théâtre aux armées. C’est South Pacific de Rodgers-Hammerstein revu et corrigé par BHL et les producteurs néocons. Dans South Pacific, c’est l’armée ennuyée qui crée un spectacle ambigu (les marines en tutu, les infirmières après les Français), ici c’est l’inverse. Un programme télé qui joue au dur. Mais avec les russes et les chinois moins faiblards que jadis…
Philippe ajoure pince-sans-rire :
Ainsi la position stratégique de ces divers groupes de porte-avions se trouve-t-elle complètement bouleversée par rapport à ce qui avait été annoncé, sinon clamé ces derniers jours. La situation est d’autant plus inédite sinon bouffe, que la Maison-Blanche fut la première à annoncer ce renforcement la semaine dernière, avec des confidences dramatiques et théâtrales du président Trump à FoxNews concernant la puissance de cette force, et que la Maison-Blanche se trouve aujourd’hui dans la situation inédite de nous dire : “Qu’est-ce que vous voulez, nous on a dit ce que nous disait le Pentagone”.
Après on rigole (il va décidément falloir qu’on se recycle) :
« le USS Carl Vinson pourrait être éventuellement, – rien n’est plus sûr du tout, – au large de la Corée du Nord pas avant début mai, semble-t-il, avant de nouvelles précisions à attendre dans le calme de l’inattendu et de l’imprévu du désordre)… Les porte-avions, c’est l’affaire de la Navy et de personne d’autre. »
Mais on en revient à la vraie guerre civile, celle qui oppose les marines et l’US Navy :
« En d’autres mots, un conflit interne est en train de se développer au sein du pouvoir militaire que d’aucuns jugent être le “tuteur” de Trump. Il concerne directement l’US Navy, qui estime ne pas disposer d’un pouvoir correspondant à son importance, surtout par rapport au Corps des Marines qui devrait plutôt lui être subordonné que prétendre la diriger. »
Et puis quand même l’invincible armada n’ignore pas la flotte chinoise :
« Dans ce cas, l’on peut alors avancer ici l’hypothèse que l’US Navy n’est pas pressée de porter le chapeau dans une éventuelle crise avec la Corée du Nord, voire avec la Chine, c’est-à-dire qu’elle n’est pas pressée d’exposer ses précieux porte-avions à des armes qui pourraient les menacer, – surtout de la part des Chinois, dont on sait qu’ils ont développé un remarquable arsenal de missiles justement destinés à l’attaque contre les porte-avions d’attaque US. »
Remplaçons le décevant et hollandais canard enchaîné : La flotte US prend eau de toutes parts ! C’est l’invisible Armada !
Cela me rappelle une anecdote d’Isaacson dans sa bio de Jobs : Obama invite les milliardaires techno à la Maison-Blanche, on mange écolo, on boit bio, et on découvre que jamais les USA ne pourront rapatrier les usines Apple ou autres parce qu’il n’y a plus d’ingénieurs en Amérique. Jobs ajoutait qu’il en faudrait trente mille juste pour Apple.
Certains se moquent ces jours-ci des fusées en carton de l’armée nord-coréenne, qui risque pourtant l’extermination. Or si on commençait à s’interroger sur la présence des porte-avions US ? La Navy elle-même n’a plus confiance. Déjà en 2007, rappelle Philippe, l’US Navy avait fait reculer les Bushmen excités à l’idée d’anéantir l’Iran.
« Dans les années 2006-2008, la Navy avait montré qu’elle était capable de jouer un rôle politique officieux extrêmement important. Nous le rappelions: « L’US Navy avait réalisé une opération de cette sorte, d’une façon politiquement très claire derrière les arguments techniques qui avaient permis de dégarnir les capacités d’attaque contre l’Iran dans la période 2006-2007, alors que les extrémistes de l’administration Bush (Cheney & sa clique) réclamaient une attaque contre l’Iran. »
C’est le Saker qui dit que l’Iran pourrait devenir le Kaishakunin du trop visible empire…
Mais j’arrête, de peur de provoquer, insolent, Donald et l’homme de l’Atlantide…
Pour DDE ; Nicolas Bonnal