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Algérie : La clochardisation du secteur du tourisme continue !

Selon le journal officiel N°30 publié le 17 Mai 2017, à peine quelques jours avant le remaniement gouvernemental du 25 Mai 2017, l’ancien ministre du tourisme Monsieur Abdelwahab Nouri a procédé à une modification des modalités de création et d’exploitation des agences de tourisme et de voyages.

L’ex ministre s’est empressé -comme pour porter le coup de grâce au secteur du tourisme qui peine à décoller et dans lequel il n’est pas reconduit à son poste- de modifier le décret exécutif n° 2000-48 du 1er Mars 2000 qui fixait les conditions et modalités de création et d’exploitation des agences de tourisme et de voyages.

Le décret N°2000-48 de Mars 2000 prévoyait dans ses articles 2 et 3 ce qui suit :

Article 2. La création d’une agence de tourisme et voyages, en vue de son exploitation, est subordonnée à l’obtention préalable d’une licence d’exploitation délivrée par le ministre chargé du tourisme.

Article 3. Nul ne peut postuler à titre personnel à la licence d’exploitation d’une agence de tourisme et voyages s’il ne remplit pas les conditions suivantes :

  1. Etre âgé de plus de 19 ans.
  2. Justifier d’une aptitude professionnelle, en rapport avec l’activité, attestée par :
  • Soit un diplôme d’études supérieures en tourisme ou en hôtellerie.
  • Soit un diplôme de l’enseignement supérieur et une ancienneté de trois (3) années consécutives dont une année en qualité de cadre ou assimilé dans le domaine touristique.
  • Soit un diplôme de technicien supérieur en hôtellerie et une ancienneté de trois (3) années consécutives dont deux (2) années en qualité de cadre ou assimilé dans le domaine touristique.
  • Soit une ancienneté de dix (10) années dont cinq (5) années en qualité de cadre ou assimilé dans le domaine touristique.

Lorsque le demandeur ne remplit pas les conditions d’aptitude prévues ci-dessus, il doit bénéficier de la collaboration permanente et effective d’une personne physique répondant à ces conditions ;

Pour sa part, le nouveau décret du 15 Mai 2017 modifie l’article 3 et décrète ce qui suit :

Art. 3.  L’obtention d’une licence d’exploitation d’une agence de tourisme et de voyages est soumise aux conditions suivantes :

 1- être âgé de vingt-et-un (21) ans, au moins ;

2- justifier d’une aptitude professionnelle en rapport avec l’activité touristique, attestée, au moins, par :

  • Soit une licence en tourisme délivrée par un établissement d’enseignement supérieur ;
  • Soit une licence d’enseignement supérieur et une ancienneté d’une (1) année dans le domaine du tourisme ;
  • Soit un diplôme de technicien supérieur en tourisme ou hôtellerie et une ancienneté d’une (1) année dans le domaine du tourisme.

Lorsque le demandeur ne remplit pas les conditions d’aptitude prévues ci-dessus, il doit bénéficier de la collaboration permanente et effective d’une personne physique répondant à ces conditions :

3- jouir de ses droits civils et civiques ;

4- être de droit algérien, dans le cas d’une personne morale ;

5- ne pas être déjà titulaire d’une licence d’exploitation d’agence de tourisme et de voyages.

L’analyse de la modification apportée aux modalités fixant la création et l’exploitation d’une agence de tourisme et de voyage interroge sur ses réelles visées et objectifs.

Nous constatons qu’en l’absence d’une véritable politique touristique et d’une réelle volonté politique de développer le secteur stratégique du tourisme, l’ex ministre a non seulement décrété et institutionnalisé la clochardisation pure et simple du secteur des voyages et du tourisme, ci-dessous quelques arguments  et motifs :

  • Une discrimination générationnelle :

En portant l’âge de 19 ans à 21 ans, il prive les jeunes compétences qui ont pu avoir leur bac plus jeune et décroché leur diplôme avant les autres grâce à leurs efforts et leur génie. Par une telle mesure, il décourage les méritants et encourage la médiocrité ;

  • Une banalisation du secteur des voyages et du tourisme et une incitation à la « non-qualité » :

D’une part, en permettant à tous les diplômés d’une licence d’enseignement supérieur d’avoir le droit d’obtenir l’agrément pour la création et l’exploitation d’une agence de voyages, on encourage ainsi les diplômés d’autres secteurs qui n’ont aucune connaissance du secteur du tourisme et on décourage les ayant droit qui ont étudié pendant 3 à 4  longues années pour décrocher leur licence en gestion hôtelière et touristique à l’Ecole Nationale Supérieure du Tourisme (ENST).

D’autre part, en permettant aux diplômés d’un brevet de technicien supérieur en tourisme, de l’Institut National des Techniques Hôtelières et Touristiques (INTHT), qui sont spécialisés dans le service et dans l’hébergement : commis de salle, chefs de rangs, maîtres d’hôtel, réceptionnistes…, on procède ainsi à un mélange des genres qui prouve la flagrante méconnaissance de l’ex ministre du secteur et du fait touristique. A moins que … !

Il n’est pas exclu que des bailleurs de fonds (Sehab Chekara), qui font la pluie et le beau temps dans la sphère de l’économie de bazar et leur exercice de pressions parfois terribles sur certaines administrations et institutions dans tous les secteurs aient poussé l’ex ministre Abdelwahab Nouri à procéder à une telle modification qui pourrait leur faire profiter.

Certains cadres du secteur du tourisme n’ont pas hésité à manifester leur exacerbation et leur mécontentement des nouvelles modalités de ce décret et n’hésiteraient pas à faire connaître publiquement leur position dans les jours qui viennent.

Il s’agit avant tout de « défendre la profession et l’honneur de ses cadres intègres, honnêtes et compétents » dira un professeur en Management du tourisme (diplômé de l’école nationale supérieure du tourisme, ENST). Il réplique « Nous avons à maintes reprises dénoncé la clochardisation de l’industrie des voyages et nous avons incité les pouvoirs publics à inculquer une culture touristique aux générations futures. Malheureusement, avec ce décret, Demain, on retrouvera aux commandes de l’industrie des voyages des gens qui n’ont aucune aptitude ni compétence dans le secteur et probablement aucune culture touristique»

Une directrice technique d’agence de tourisme et de voyages (Diplômée de l’ENST) se dit consternée par cette modification et affirme « le tourisme est un art et il nécessite des compétences dans l’industrie des voyages et non pas des marchands de légumes ».

Un ex haut cadre du ministère du tourisme, sous couvert de l’anonymat, déclare, pour sa part : «Depuis quelques années, le secteur du tourisme est abandonné et depuis quelques temps, il se trouve parasité par des trabendistes et des bailleurs de fonds sans aucun scrupule ».

A Alger, le 06 Juin 2017

Collectif de diplômés de l’ENST (Ecole Nationale Supérieure du tourisme)

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