Le secrétaire à la défense Mattis était désigné, il y a quelques mois, lorsque le WaPo ou le New York Times entendait décrire l’équipe Trump, autour du président Trump, comme « le seul adulte dans la pièce ». Ce général des Marines, faussement affublé du surnom de Mad Dog, colporté par la presse mais jamais employé dans ses décennies passées au sein du Marine Corps, est réputé comme un général-historien très-intellectuel, avec les sept mille ouvrages de sa bibliothèque et ses connaissances impeccables allant de Thucydide à Clausewitz. L’adulte décoré et très-cultivé, et donc d’une extrême sagesse, nous offre pourtant le spectacle étrange d’un emportement d’apparence raisonnable mais sans véritable frein, comme perdu dans les nuages, après tout aussi saugrenu et incertain que les autres; emportement provoqué sans doute par le climat délétère de “D.C.-la-folle” et l’atmosphère étrange qui règne au sein du Pentagone.
Ses déclarations, lundi, selon lesquelles les forces USA doivent rester en Syrie (où elles ont, selon le décompte turc qui n’a nullement été démenti, treize bases) pour être prêtes à reprendre ou à poursuivre le combat contre Daesh, ont parues si complètement surréalistes… 1) Les USA sont censés ne pas être en Syrie (“pas de ‘boots on the ground’ !”, voilà la politique officielle depuis 2011-2012) ; 2) ils sont censés être dans la région (uniquement dans les airs, vous dit-on), pour défaire Daesh ; 3) l’estimation officielle, cautionné par les USA et leurs brillants experts militaro-évaluateurs, est que Daesh est battu… Alors pourquoi rester en Syrie si l’ennemi désigné est battu ? Parce qu’on ne sait jamais, nous dut Mattis perdu dans les nuages, l’ennemi battu peut renaître de ses cendres, comme l’oiseau du même nom, – c’est l’hypothèse Daesh-phenix, ou, selon la terminologie du Pentagone, l’hypothèse “ISIS-2.0”.
Commentaire de ZeroHedge.com à ce point, en conclusion de cet aspect d’une tragédie-bouffe qui a soufflé en ce début de semaine sur le champ crisique de la Syrie (et retenez surtout le « And on and on it goes… » de la fin, qui ressemble aux fables pour les petits enfants pas très sages) : « America’s Syrian adventure went from public declarations of “we’re staying out” to “just some logistical aid to rebels” to “okay, some mere light arms to fight the evil dictator” to “well, a few anti-tank missiles wouldn’t hurt” to “we gotta bomb the new super-bad terror group that emerged!” to “ah but no boots on the ground!” to “alright kinetic strikes as a deterrent” to “but special forces aren’t really boots on the ground per se, right?” to yesterday’s Mattis declaration of an open-ended commitment. And on and on it goes… »
• Le même article de ZeroHedge.com a en fait comme sujet central une longue analyse de la BBC qui “révèle” qu’en fait les forces américanistes qui-ne-sont-pas-en-Syrie (puisque “no boots on the ground”), pour lesquelles Mattis promet de futurs combats contre Daesh-phénix au point qu’il est nécessaire de garder des bases-qui-n’existent-pas en Syrie (puisque “no boots on the ground”), sont les mêmes qui aident de toutes leurs forces des centaines, voire des milliers de combattants de Daesh à se sortir indemnes des piège des attaques combinées des Syriens, des Iraniens, du Hezbollah et des Russes.
Mais “révèle” mérite bien des guillemets, puisque la chose est très largement documentée, discutée, commentée, depuis des mois sinon deux ou trois ans par la presse antiSystème. Les guillemets sont donc surtout là pour saluer ce fait que la presseSystème (BBC) accouche pour la première fois d’un grand récit où l’on apprend ce qu’on sait déjà, – savoir que Daesh-ISIS est pure fabrication des USA avec les amis saoudiens et autres, et que Daesh-phénix l’est d’autant plus qu’il n’a nullement été réduit en cendres.
ZeroHedge.com s’exclame donc :
« Mattis’ declaration of an open ended military commitment in Syria came the same day that the BBC confirmed that the US and its Kurdish SDF proxy (Syrian Democratic Forces) cut a deal with ISIS which allowed for the evacuation of possibly thousands of ISIS members and their families from Raqqa. »
According to yesterday’s bombshell BBC report:»
The BBC has uncovered details of a secret deal that let hundreds of Islamic State fighters and their families escape from Raqqa, under the gaze of the US and British-led coalition and Kurdish-led forces who control the city. A convoy included some of IS’s most notorious members and – despite reassurances – dozens of foreign fighters. Some of those have spread out across Syria, even making it as far as Turkey. […]»
Though it’s always good when the mainstream media belatedly gives confirmation to stories that actually broke months prior, the BBC was very late to the story. ISIS terrorists being given free passage by coalition forces to leave Raqqa was a story which we and other outlets began to report last June, and which Moon of Alabama and Al-Masdar News exposed in detail a full month prior to the BBC report. »
And astoundingly, even foreign fighters who had long vowed to carry out attacks in Europe and elsewhere were part of the deal brokered under the sponsorship of the US coalition in Syria. […]»
Much is hidden beneath the rubble of Raqqa and the lies around this deal might easily have stayed buried there too. The numbers leaving were much higher than local tribal elders admitted. At first the coalition refused to admit the extent of the deal.»
So it appears that the US allowed ISIS terrorists to freely leave areas under coalition control, according to no less than the BBC, while at the same time attempting to make the case before the public that a permanent Pentagon presence is needed in case of ISIS’ return. But it’s a familiar pattern by now: yesterday’s proxies become today’s terrorists, which return to being proxies again, all as part of justifying permanent US military presence on another nation’s sovereign territory… »
• Le comportement de Mattis soulève la fureur des Russes, d’autant que ce secrétaire à la défense estime que les USA peuvent rester en Syrie puisqu’ils ont été autorisés à y entrer par l’ONU, ce qui représente une étrange absurdité. Le vice-ministre russe des affaires étrangères a longuement évoqué cette extraordinaire position consistant à dire que les forces US, qui n’étaient pas en Syrie comme Washington le dit depuis cinq ans, sont évidemment en Syrie parce que l’ONU les a autorisées à s’y trouver. Ces absurdités, plus que des contre-vérités, sont dites à l’emporte-pièce, sur un ton assez nonchalant (Mattis : « You know, the UN said that … basically we can go after ISIS. And we’re there to take them out.. »)…
Selon RT, qui est désormais un “agent étranger” et donc suspect aux USA mais qui a encore le droit de lire les compte-rendu des conférences de presse des ministres du gouvernement des États-Unis dont la cohésion est l’une des grandes vertus : « Quoi qu’il en soit, tous ces faits n’empêchent pas Mattis de prétendre que c’est l’ONU qui a autorisé la présence de troupes US en Syrie sans l’autorisation du gouvernement syrien. “Vous savez, l’ONU l’a dit… en gros, nous pouvons aller combattre contre ISIS [en Syrie]. Et nous y sommes pour les chasser”, a dit le secrétaire à la défense, se référant aux actons US en Syrie en répondant aux questions des journalistes ce lundi. »
Il faut aussi noter ceci que le titre de RT sur Mattis commence par une expression bienvenue et assez poétique, qui nous en dit si long pour définir le comportement du ministre : « Lost in reverie »…
• Que conclure à propos de cet incident ? Nous adopterons la solution assez paresseuse de citer, encore une fois, une plume bien à propos, celle de Patrick Armstrong, le 2 novembre 2017 sur Strategic-Culture.org . Ce qui était déjà vrai, ou encore vrai le 2 novembre, l’est déjà et encore plus aujourd’hui lorsque c’est sous la forme de cette charmante charade sans fin, additionnant les “nous ne savons pas” aux “nous ne savons pas” (“ce que nous, gens des USA, faisons en Syrie”), et cela du simple plouc aux généraux les plus bardés de médailles qu’on puisse imagine ; par conséquent, certes, cela vaut pour un Mattis, “perdu dans ses rêveries”…
« But still: we don’t know. We don’t know what Washington was trying to do in Syria. We don’t know whether all Washington was agreed on what it was trying to do in Syria. We don’t know if any agency in Washington had a plan in Syria. We don’t know who was making decisions in Washington then. We don’t know who’s making decisions in Washington now. We don’t know whether there is any unified position in Washington on Syria. Or anything else. We don’t know what Trump wants. We don’t know what Trump can do. We don’t know who’s running the place. Or whether anyone is.
We don’t know. »