Dans les trois pays belligérants de l’attaque illégale de piraterie de la Syrie de la nuit du vendredi-13, Mélenchon, le chef du Parti de la France Insoumise (PFI), est désormais le seul homme politique d’envergure nationale à avoir pris contact officiellement avec la Russie par une visite à l’ambassadeur de la Fédération de Russie le 18 avril et à exprimer une position officielle sur la crise créée par l’attaque en Syrie, poursuivant la crise plus générale des relations entre la Russie et la France (notamment). Il exprime ainsi politiquement et symboliquement son opposition à l’attaque de la Syrie et à l’absurde antirussisme qui caractérise la politique Système à laquelle se soumet la France. Ainsi Mélenchon rompt-il avec une tradition de soumission depuis Sarkozy de la France au Système, essentiellement à ses deux moteurs opérationnels que sont les USA et les institutions bureaucratiques de l’UE?
RT-France a présenté la visite de Mélenchon à l’ambassade de la sorte en reprenant certaines annonces faites sur le site de l’homme politique français, et notamment la révélation de l’attitude à la fois hypocrite et couarde de l’administration Macron dans les heures précédant l’attaque (voir le détail de tout cela dans le texte présenté ci-dessous et surtout la vidéo qui l’accompagne) :
Jean-Luc Mélenchon annonce qu’il a rencontré Alexeï Mechkov, ambassadeur de Russie en France, le 18 avril pour évoquer la situation en Syrie consécutive aux bombardements. Cet échange fructueux l’a convaincu que “la possibilité [restait] totalement ouverte de reconstituer un partenariat franco-russe stable et tourné vers des objectifs communs de paix”.
Dans le concert de voix blâmant la majorité pour les bombardements de sites syriens par les Etats-Unis, la France et la Grande Bretagne, Jean-Luc Mélenchon s’était montré le plus cinglant. “Le président français s’est aligné de façon tout à fait lamentable sur les Etats-Unis en se disant certain d’avoir des preuves de la responsabilité du régime de Bachar el-Assad dans l’utilisation des armes chimiques”, avait-il tonné à l’Assemblée le 14 avril, lendemain des frappes conjointes visant à détruire un laboratoire et des entrepôts de produits chimiques.
Par le biais d’une longue vidéo face caméra dont il a le secret, le chef de La France insoumise (LFI) a reporté avec minutie les détails des arcanes des négociations entre les présidents russe et français grâce à sa conversation avec l’ambassadeur. “Or, ce qu’on ne sait pas, c’est qu’avant que ce bombardement ait lieu, il y a eu un contact téléphonique entre le président Macron et le président Poutine”, révèle-t-il. Les informations fournies par le diplomate sous-entendaient que les Russes avaient proposé une commission d’enquête aux Français, qui ne les auraient pas recontactés pour en discuter, ce qui suscite les interrogations de Jean-Luc Mélenchon.
L’initiative de Mélenchon représente évidemment un acte politique à la fois nécessaire du point de vue d’une analyse politique générale échappant au diktat du Système, et courageux du point de vue de la terrorisation antirussiste qui caractérise le climat institué par le système de la communication du Système depuis 2014, et particulièrement depuis 2016-2017 et les élections de Trump et de Macron. Il devrait faire suivre cette initiative d’une visite en Russie dont il s’explique dans le même texte ci-dessous. Avec ces diverses initiatives, Mélenchon s’affirme comme le leader en France d’une tendance et surtout d’une tradition indépendante, souveraine et identifiable comme souverainiste dans le sens le plus large du concept, et par conséquent d’une dynamique anti-globaliste opposée au même diktat du Système.
S’il peut y avoir quelque chose de novateur et de révolutionnaire brisant le moule d’un monde politique inverti dans la matière essentielle de la politique étrangère en France, c’est Mélenchon qui s’en empare avec cette initiative, contre un Macron qui a appuyé tout son mouvement sur l’argument publicitaire de communication de la novation révolutionnaire de la politique en France et en a prouvé l’exact contraire dans l’affaire de l’attaque de la Syrie. Bien entendu, ce qui est nommé ici “novation révolutionnaire”, c’est l’abandon de la soumission volontaire au Système, cette infra-soumission qui renouvelle en termes postmodernes la formule fameuse de La Boétie de La servitude volontaire, – mais formule valant dans ce cas pour la direction politique française bien plus encore que pour le peuple lui-même.
Par ailleurs, il n’en est pas moins vrai que Mélenchon exprimeun courant beaucoup plus puissant qu’il n’y paraît parmi les directions politiques, totalement soumises à l’instrument principal de coercition du Système que sont la presseSystème et la communication-Système tout en reconnaissant en privé pour nombre d’individualités l’absurdité mortifère de la politique antirussiste et d’entropisation que le Système impose à tous. La différence se trouve évidemment dans le courage d’exprimer hautement ce courant et de refuser de céder à cette terrorisation de la communication.
On goûtera donc le paradoxe au moins d’apparence, dans tous les cas d’étiquette, de voir le leader de “la gauche de la gauche” posant un acte de “novation révolutionnaire” en affirmant hautement une tradition française immémoriale dont le gaullisme s’est fait le rénovateur dans les années 1945-1970. Par contraste, il révèle d’une façon encore plus voyante l’infra-soumission que représente le projet macroniste dont le pseudo-réformisme consiste évidemment à gommer toutes les aspérités qui empêchent encore la France de parvenir à une position de parfait alignement, sans rien qui dépasse, dans le rang impeccable qu’exige le diktat du Système pour une politique globaliste d’entropisation du monde. Peu importe ici et pour l’instant ce qu’il restera de cette initiative, l’essentiel étant qu’elle ait lieu, avec une force symbolique complètement évidente dans sa puissance. A côté de toutes les critiques et réserves qu’on peut émettre à son encontre, Mélenchon est en cet instant l’homme qui sauve ce qu’il reste d’honneur à la France, et qui montre que la possibilité existe de ranimer ce que la tradition diplomatique française a de fondamentalement intelligent dans sa recherche d’équilibre, d’ordre et d’harmonie. (Macron, lui, ne manquera pas de se rendre à Washington dans quelques jours : chacun son chemin.)
Mélenchon est et sera secrètement approuvé par nombre de jugements non exprimés de nombre de diplomates français. Cela doit se savoir au travers de “sources” discrètes mais cela ne sera pas dit, dans l’atmosphère terroriste qui caractérise la diplomatie française, et qui peut se mesurer à la mine lugubre, au teint grisâtre et au verbe sinistre de conformisme-Système du ministre des affaires étrangères Le Dryan ; ce brave homme a perdu toute sa jovialité et sa spontanéité en endossant cette tunique de Nessus, cadeau de Macron pour le remercier de son ralliement électoraliste.
DDE
Mélenchon rencontre l’ambassadeur de Russie
J’ai rencontré mercredi 18 avril le nouvel Ambassadeur de Russie en France. Mon but était de faire sa connaissance et de faire le point sur la situation des relations bilatérales après les évènements de Syrie. L’Ambassadeur m’a appris qu’un contact avait eu lieu entre le Président Macron et le Président Poutine le vendredi précédant la nuit des frappes en Syrie. Les Russes ont proposé aux Français de constituer une mission d’enquête sur la réalité de l’attaque chimique à Douma en Syrie. Il avait été convenu d’un nouveau contact entre les ministres de la Défense dans la journée. Ce contact n’a jamais eu lieu. Pourtant, l’Ambassadeur russe soutient que de nombreux rappels ont été faits.
Comme je l’interrogeais sur le risque d’escalade militaire le jour des frappes et sur les « conséquences » annoncées par les Russes contre les intervenants militaires, une réponse m’a été apportée sur les deux points. Premièrement, les zones contrôlées par les russes avaient été sanctuarisées par un accord avec les américains. Des lors, aucun citoyen russe n’ayant été atteint par les bombes, aucune réplique ne devait intervenir. Quant aux « conséquences » annoncées, elles s’expriment pour l’instant par des propositions actuellement en débat au Parlement russe, principalement en réaction aux nouvelles sanctions décidées par les États-Unis.
Concernant la situation dans la région d’une manière générale, les Russes expriment leur vigilance à l’égard des projets de partition de la Syrie envisagés un temps par les États-Unis. Ils observent avec vigilance l’évolution de la position des États-Unis à propos de l’accord de désarmement nucléaire de l’Iran.
Cet échange m’a convaincu que la possibilité reste totalement ouverte de reconstituer un partenariat franco-russe stable et tourné vers des objectifs communs de paix.
Je forme le vœu que la visite du Président de la République à Moscou les 24 et 25 mai prochain soit l’occasion d’un changement de style profond dans la relation franco-russe. Il est temps que la coopération succède à l’escalade des menaces et des sanctions. Je forme le vœu que la France convainque les pays de l’Union européenne de renoncer à une attitude agressive et l’égard de la Russie et de mettre fin à l’absurde régime des sanctions économiques, mutuellement nuisible.
J’envisage d’effectuer une visite en Russie pour y rencontrer le président du Front de Gauche russe, l’opposant Sergueï Oudaltsov mais aussi pour avoir un dialogue avec les hautes autorités du Parlement et du gouvernement de la Fédération de Russie.
Mon projet est aussi de pouvoir présenter mon livre L’Ère du peuple en milieu universitaire.
Jean-Luc Mélenchon