Incroyable mais vrai. Dans les couloirs des institutions judiciaires algériennes, des affaires de détournements, de prêts non remboursables et autres affaires financière pullulent. Mais celle qui concerne Taures Groupe, ce conglomérat d’entreprises privées aujourd’hui disparues, est sans commune mesure.
Deux des trois actionnaires (le 3ème s’est suicidé) ont pu obtenir une série de prêts auprès de la BEA, la Banque extérieure d’Algérie, d’un montant de plus de 8,4 milliards de dinars (plus de 800 milliards de centimes), dont plus de 6 milliards de dinars n’ont plus de traces.
Dans un courrier adressé par le Président du Conseil d’administration de la SPA Taures Groupe, Mohamed-Arab Benchaba, au président directeur-général de la BEA banque, il est fait mention d’un « détournement minimum de quelques 650 milliards de centimes ». Plus grave, dans la même correspondance dont nous détenons une copie, le responsable rappelle une étrange situation : au niveau de la Banque publique, les responsables ne sont même pas d’accord sur les montants des fonds débloqués au profit des quatre filiales de Taures Group.
Mais comment en est-on arrivé là ? Tout commence avec la création de de Taures groupe. Au départ, 5 actionnaires s’associent. Il s’agit de Habib Mosbah, actionnaire majoritaire, de Kamel Houache, Abdelhamid Djouadi et deux Français, André Salmon et Olivier Verspieren. Les actionnaires devaient verser leur quote-part.
Mais en dehors de Habib Mosbah, les autres actionnaires traînent les pieds. Les deux associés français ont expliqué, dans une correspondance adressée au Président du Conseil d’administration, que l’absence d’apport de leur part est lié a manque d’empressement des deux autres Algériens à verser leurs parts. Car, dès l’installation de l’entreprise, les données étaient faussées.
Dès 2004, les dirigeants de l’entreprise ont donc commencé à emprunter de l’argent auprès de la Banque Extérieur d’Algérie, agence Ravin de la Femme Sauvage (Alger). Pour construire des projets au profit des quatre filiales que sont SPA Petromag, ADAKS, MBI et Huilis Trading, qui activent essentiellement dans le stockage et la commercialisation des produits pétroliers, les actionnaires ont sollicité des prêts faramineux. En quatre ans donc, de 2004 à 2008, plus de 8,4 milliards de dinars ont été débloqués par la banque publique. Mais entre temps, les deux associés français, Kamel Houache et Abdelhamid Djouadi n’ont ramené aucun apport.
La société continue de s’endetter. En 2009, Taures Groupe se trouve dans l’incapacité d’honorer ses engagements. Le directeur fondateur, Habib Mosbah est trouvé, un matin pendu dans sa villa de Cheraga. C’est la consternation.
Un homme mort et des crédits à flot
Cela n’empêche, les crédits se poursuivent. Pis, alors qu’aucun investissement n’est réalisé, les actionnaires ont continué à solliciter des prêts. La banque ne dit jamais non. A titre d’exemple, pour un projet comme celui de stockage de carburants dans la wilaya de Naama, les actionnaires ont sollicité et obtenu un prêt « d’exploitation », alors que le projet n’est même pas sorti de terre (nous avons obtenu les relevés bancaires et les photographies des sites).
Pour se rendre compte du grand gâchis, Mohmad Arab Benchaba cite un exemple éloquent dans sa correspondance au PDg de la BEA. Il énumère le matériel commandé au profit de la ADKS SPA : 80 camions semi-remorques, 7 remorques plateaux, 19 citernes à gaz de 47M3 et 56 citernes à carburants de 33M3. Le total des fonds débloqués est de 1,29 milliards de dinars. Mais à son grand étonnement, et selon les chiffres même d’un expert, « ce patrimoine a été bradé aux enchères sans que la BEA, qui détient à ce jour les cartes grises des véhicules, ne fasse valoir son statut de créancier privilégié. L’important est de tout faire disparaitre ! » ; écrit-il dans son courrier.
Depuis, Benchaba mène un combat judiciaire sans relâche. Contre lui, c’est une avalanche de procès qui s’abat. Cela traîne en longueur. Car, la justice a déjà désigné un premier expert judiciaire (nous détenons une copie du rapport). S’il a relevé les anomalies dans les chiffres, il n’a pas désigné les auteurs de ces fuites. Sur demande du président du Conseil d’administration, une nouvelle expertise est en cours.
Pendant ce temps, à Mostaganem, la justice a requis, la semaine dernière, 3 ans d’emprisonnement contre les actionnaires de Taures et les responsables de la BEA dans une affaire liée à la vente aux enchères d’une installation qui appartient à l’une des filiales du groupe. Le prononcé du verdict est pour le 03 juin. Mais en attendant, un patrimoine industriel, éparpillé aux quatre coins du pays est à l’abandon. Pis encore, plus de 600 milliards de centimes, sorties d’une banque publique, ne sont toujours pas retrouvés. Algérie Part poursuivra ses révélations sur ce scandale dans ses prochaines publications.
Algeriepart