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Trump-Kim, sans le Pentagone ?

Il s’agit certainement, dans notre appréciation, d’un signe indubitable de la puissance personnelle de Trump vis-à-vis de ses bureaucraties, notamment celle du Pentagone, et vis-à-vis du DeepState par conséquent. Il faut une psychologie singulière pour prendre de tels risques d’affronter ces puissances de pouvoir, et l’hypothèse de l’hypomanie-narcissique (“hypomanie” signifiant un comportement maniaque modéré sinon contrôlé en partie par la personne qui en est affectée) s’insère parfaitement dans ce schéma.

Il s’agit du sommet Kim-Trump et de la décision de Trump de suspendre tous les exercices USA-Corée du Sud que Trump a qualifiés lui-même selon la terminologie nord-coréenne, de “provocants” vis-à-vis de la Corée du Nord. Un article de Ellen Mitchell, de The Hill, du 12 juillet 2018, donne diverses précisions sur cette situation qui s’avère, au plus on en connaît les détails, comme très particulière et, disons, originale. Tous ces détails permettent de décrire un paysage également très particulier de la situation des pouvoirs de sécurité nationale à Washington D.C., toujours très proche de “D.C.-la-folle”.

• Il n’y avait quasiment aucune présence du Pentagone dans l’équipe US constituée pour le sommet, à part Randall Schriver, assistant du secrétaire à la défense pour les affaires de sécurité de l’Asie et du Pacifique, et l’officier de liaison du Pentagone avec le département d’État. Le Pentagone n’était absolument pas au courant de la décision de Trump de suspendre les exercices, comme les autres départements d’ailleurs puisqu’elle ne figurait dans aucun des papiers, mémorandums, propositions et autres, élaborés par la bureaucratie US pour le contenu des entretiens et le communiqué final.

• Pour autant, Mattis, le secrétaire à la défense, a entrepris une campagne de communication pour faire croire qu’il était tout de même au courant des intentions du président, – s’il y eut intentions, – ou tout bonnement des “intuitions” du président pendant ses entretiens avec Kim, ou immédiatement après pour peaufiner l’impression qu’il [Trump] veut donner de ce que sont désormais les relations des USA avec la Corée du Nord… Mattis fait savoir parallèlement qu’il est tout à fait d’accord à cet égard avec Trump, ce qui est une surprise à la fois étrange et heureuse par rapport à toutes les voix discordantes extrêmement stridentes entendues à Washington D.C., surtout au Congrès et dans la pressesSystème, contre la décision de Trump perçue comme un premier pas vers un retrait des forces US de Corée du Sud. Ces diverses manœuvres de communication montrent que l’entourage DeepState & Cie n’est toujours pas et même de moins en moins à l’aise avec Trump malgré le contrôle qu’il est censé exercer sur le président...

• Cette position de Mattis vis-à-vis de Trump exacerbe les hypothèses concernant la proximité entre le secrétaire à la défense et le président, notamment par rapport à Pompeo et à Bolton, très impliqués dans les négociations avec la Corée du Nord et qui sembleraient (mais est-ce bien sûr ?) très proches de Trump. Barry Pavel, un expert de l’Atlantic Council, estime que la position de Mattis n’est pas si mauvaise… « Je pense que Mattis a toujours une réelle influence sur le président mais vous ne pouvez pas empêcher ce président de faire les commentaires qu’il a envie de faire… » Certes, quoique, selon Michael Green du CSIS de Georgetown University : « Les secrétaires à la défense n’ont pas l’habitude d’être présents dans cette sorte de sommets, mais je dirais, d’une façon symbolique, que l’esprit de Mattis était absent de cette rencontre… »

• Quelques extraits de l’article de The Hill : « President Trump‘s decision this week to cancel large-scale joint military exercises with South Korea rattled Pentagon officials, who did not anticipate the news or have a strong role at the summit itself, according to defense experts. […] After the announcement, news soon leaked of government officials scrambling aboard Air Force One to alert allied countries and partners of the change, with South Korea even left out of the loop.

 Barry Pavel, a national security expert at the Atlantic Council think tank, highlighted the lack of defense officials on the trip, which he said was one indication the White House surprised the Pentagon. If the decision had been planned, “you would have had defense officials there supporting the president,” said Pavel. Instead, the Pentagon had only one representative at the summit, Randall Schriver, assistant secretary of Defense for Asian and Pacific security affairs and the Defense Department’s liaison with the State Department.

 Pavel also noted that any mention of the military exercises was missing from the prepared document signed by Trump and Kim at the summit. The document only reaffirmed Pyongyang’s commitment to denuclearization in exchange for unspecified security guarantees by the U.S. Obviously it was a surprise, otherwise it would be addressed i n the agreed statement, one would expect,” Pavel said.

 The Pentagon, though, has pushed back at the perception it was caught flat-footed, insisting Defense Secretary James Mattis was consulted and not surprised by the move. “The secretary is in full alignment with the president to meet his goal which is denuclearization of the peninsula,” Pentagon chief spokeswoman Dana White told CNN. A source close to top Pentagon leadership, though, said it’s likely only three or four top officials knew of the plan to suspend drills. “It’s hard to say the whole Pentagon was surprised,” the source said. “The Pentagon rank and file, there are huge differences between what information is shared. People in the middle don’t know, people below them certainly don’t either.” »

• Un point particulier mérite d’être relevé : l’intervention du ministre japonais des affaires étrangères, qui a rappelé les 47 exigences énoncées il y a plusieurs semaines par le secrétaire d’État Mike Pompeo pour que les sanctions contre la Corée du Nord commencent à être levées. Ces conditions relèvent d’un véritable diktat contrastant absolument avec l’attitude de Trump, qui vient, lui, de renouveler son exigence que les exercices US-Corée du Sud soient suspendus. Il est assez probable qu’il s’agit d’un épisode de la bataille que les “durs” (le DeepState) et ses alliés extérieurs livrent contre Trump. Pour autant, on fera l’observation que ce fait que les “durs” US soient obligés de passer par des alliés complaisants pour signaler leur pression montre que leur position contre Trump, à Washington D.C., n’est pas des plus assurées face à un président décidément incontrôlable…

D’une façon générale, on verra dans les difféerents détails de cet épisode la confusion extrême de la situation à “D.C.-la-folle” vis-à-vis de Trump, et la difficulté pour le DeepState & Cie d’arriver à le contrôler. Ce qui est très remarquable, c’est que Trump s’est entouré d’ultra-durs dans des genres différents (Bolton, Pompeo, Mattis) qui, malgré leur accord pour une politique belliciste et expansionniste, sont aussi des concurrents pour des positions d’influence à l’intérieur du cercle du pouvoir, et qui ne s’aiment guère entre eux. En un sens, Trump est prisonnier de geôliers qui ne cessent de se quereller et de s’affirmer chacun comme le véritable “guide” de Trump, au détriment des autres. Cet enfermement dans un réseau de geôliers concurrents entre eux permet à Trump de réussir des “coups” de communication qui ont une réelle influence sur la politique générale, ce qu’il fait avec d’autant plus de succès qu’il a la psychologie pour cela.

Par ailleurs, aucune unité d’action n’est possible contre Trump au niveau politiquepuisque sa politique est aussi diverse que sa psychologie est insaisissable dans ses paroxysmes de maniaquerie. L’homme qui annonce la fin des manœuvres US-sud-coréennes est le même homme qui déplace l’ambassade US en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem, qui sort du traité nucléaire avec l’Iran et traite l’Iran de producteur de terrorismes, mais c’est aussi le même homme qui prend des mesures protectionnistes, malmène le G7 et veut en refaire un G8 avec la Russie, qui applaudit aux mouvements populistes en Europe.

Notre jugement à cet égard ne fait donc que se renforcer : Trump est l’homme du désordre par rapport à l’ordre établi du Système. Ce que nous écrivions déjà, essayant désespérément de classer les comportements de Trump en “Trump 1.0”, “Trump 2.0”, “Trump 3.0”, etc., ne fait que se confirmer ceci, qui ne peut que faire notre affaire puisqu’il s’agit d’un “désordre” installé au cœur du Système : « C’est dire que l’on serait loin d’une véritable stratégie et d’une véritable ligne directrice ; c’est dire qu’on verrait se confirmer, et le désordre considérable de Washington D.C., et la crise du pouvoir de l’américanisme, avec les événements menant les hommes plutôt que le contraire. Même le Deep State ne peut rien établir de durable selon ses intérêts, d’ailleurs lui-même fracturé en intérêts contraires. Trump 1.0, 2.0, 3.0, ou retour à Trump 1.0 ? Ces classifications qui donnent une impression de rangement ne sont que des artifices de communication que se donne le commentateur pour alléger son discours. Pour le reste, Trump nous confirme qu’il est l’homme du désordre parce qu’il a été enfanté par le désordre. »

DDE

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